[ENVOYÉ SPÉCIAL] Marcher dans le sable
Contre quelques heures de sommeil en moins, en m’emmenant au Brésil LATAM me propose de gagner 30 degrés de plus : marché conclu. Le jour se lève à travers le hublot, j’aperçois des montagnes verdoyantes nettement ciselées bien vite remplacées par d’étranges dunes de sable bordant la mer…
Lorsque l’on évoque le Brésil, notre point de vue européen nous fait immédiatement penser à Rio et son Corcovado, à Copacabana et sa plage, à Brasilia, Recif ou même Belo Horizonte… Mais pas forcément au voyage que je m’apprête à faire, bien plus au nord de cet immense pays.
Contact végétal
Je fais ma première rencontre avec le peuple végétal des Carnaubas : le palmier aux multiples propriétés, le plus répandu dans le pays. De ses feuilles on fabrique toits et papier, de son bois poutres et piliers, de sa sève enfin une cire précieuse qui servit notamment à l’élaboration des premiers disques vinyles. Cet arbre de la vie domine la flore locale, poussant même jusque dans le sable le plus dense. Lancé à toute vitesse, le 4×4 glisse silencieusement sur le sable comme sur de la soie. Nous passons devant de nombreuses fermes de noix, ici reines des fruits : de cajou, de coco ou même de crème solaire, que je m’efforce d’appliquer toutes les heures pour ne pas brûler vif. Sur la côte à ma droite, je croise un nombre incalculable de kitesurfeurs en pleine parade avec le vent. C’est le sport régional, des milliers d’aficionados s’exerçant toute l’année sur les eaux agitées du littoral. Je comprends à présent pourquoi est-ce que je ne tenais pas debout sur ma planche en Australie : il me manquait l’aide du vent, répondant au doux nom d’Alizé, celui-là même qui gonfla les voiles des explorateurs portugais il y a maintenant six siècles, ce même vent qui emporte à présent les panneaux de signalisation les plus solides, comme pour nous rappeler que le Brésil est un pays dans lequel il ne faut pas avoir peur de se perdre. Nous atteignons une plage de quartz entourée d’une muraille de roche ferrique, au cœur du Parc national de Jericoacoara – « Jeri » pour les intimes. Sa roche violette abrite un minuscule corail sans défense et je signe là mes premiers clichés qui se passeront aisément de toute retouche. Les ombres des nuages balayent la plage, je déguste des mangues tout juste cueillies de l’arbre… Dépaysement total et immédiate perte de la notion du temps.
Contact animal
J’apprends que l’âne est la mascotte du coin : longtemps utilisé pour le labeur paysan, ce noble animal fut bien vite remplacé par les engins motorisés. Le quadrupède vit à présent en harmonie avec le pays et se fond dans le décor, en paix avec les hommes. Je saute dans un petit bateau à moteur et me retrouve propulsé en pleine mangrove au cœur du Delta do Parnaíba : un écosystème complexe composé d’une multitude d’îles et peuplé d’une faune variée formant un ensemble végétal tentaculaire. Des centaines de petits crabes rouges me font une ola d’accueil, observant attentivement la curieuse embarcation qui leur rend visite. L’homme les chasse pour leurs succulente chair, avec toutefois une pause lors de la période de reproduction. Quelques milles marins supplémentaires m’introduisent finalement à l’un des plus beaux spectacles de ma vie : imaginez des centaines d’Ibis d’un rouge étincelant se déplaçant par groupes de 2, 5 ou 10 pour se rejoindre chaque soir sur la même île face au soleil. Un rassemblement loin des prédateurs, un superbe ballet aérien qui étonne encore les scientifiques d’aujourd’hui. Certains piaillent car leur place habituelle est prise mais parviennent finalement à trouver un terrain d’entente. Ils se percheraient toujours sur le même côté de l’île, pour soi-disant se protéger du sable. Je pense plutôt qu’ils ont finement choisi la face orientée vers le soleil déclinant, pour l’admirer encore et encore. Et moi d’en rester bouche-bée.
Contact astral
J’ai mon content de nature, en route pour São Luis. Les routes s’élargissent, nous troquons le sable pour de l’asphalte. Je pénètre dans la Jamaïque brésilienne et découvre un morceau de Portugal dans les faïences importées du pays en question. On y célèbre déjà Noël ; désormais dénués de leur fonction de démarquage de propriété, les palmiers sont ornés de guirlandes et jalousent les sapins montés pour l’occasion. Plus loin vers la côte, les pêcheurs ont replié leurs filets depuis plusieurs heures, les surfeurs leurs voiles. Seule l’eau et le vent restent inchangés, respectivement à 24 degrés et autant de km/h. Les nuages sont les mêmes que dans les dessins-animés que je regardais dans mon enfance, comme peints à l’acrylique. Alors que l’on m’a toujours défendu de fixer trop longuement le soleil, cette pièce cuivrée se fait ici irrésistible. Du haut de la dune d’un sable qui avance de 10 à 20 mètres chaque année et tend à disparaître vers l’horizon, nous envoyons la lumière aux amis australiens de l’autre côté du globe. La nuit tombée, une super lune prend le relai. Elle m’est impossible à capter avec mon matériel, mais ne m’empêchera pas de sombrer dans les abimes de ce sommeil si spécial propre aux voyages en terre inconnue… S’il est possible qu’un beau souvenir puisse se matérialiser sous la forme d’un grain de sable, s’accumulant, tourbillonnant, se déplaçant dans les airs et formants des dunes… je quitte alors le Brésil avec une plage tout entière de merveilles.
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