[ENVOYÉ SPÉCIAL] Un monde de chapeaux coniques

La langue française disparaît progressivement et l’anglais le remplace dès l’aéroport de Roissy, ce curieux microcosme transversal où les histoires et les cultures se croisent et s’éloignent dans la frénésie des départs. Vietnam Airlines m’invite à bord de son Airbus A350, dans lequel je m’installe volontiers, et confortablement. Les rayons de soleil printaniers rebondissent sur la carlingue de l’avion et son lotus doré. L’appareil photo et moi trépignons d’impatience, ne pouvant attendre de découvrir ce nouvel univers visuel prometteur…

Hô-Chi-Minh-Ville

Premières images à l’atterrissage : un entassement complexe et organisé de blocs aux couleurs pastel. Une buée épaisse s’étale sur le hublot, accusant immédiatement les 26 degrés qui nous accueillent à 6h du matin, et mes vêtements me collent déjà à la peau. Encadrée par deux rivières, Hô-Chi-Minh-Ville – HCMV pour les intimes – est en pleine redynamisation, notamment avec la construction d’un métro flambant neuf conjointement avec les japonais. C’est que les 5 districts de la ville, du plus populaire et animé au plus résidentiel et côté, grouillent de deux-roues lancés dans une chorégraphie étrennée du matin au soir. Alors que l’on en compte environ 6 millions, c’est au piéton de s’armer de courage lors de sa traversée de route : la moindre hésitation pourrait être fatale, et j’apprends bien vite que sur le bitume, la machine l’emporte ici sur l’homme. L’agitation domine dans toutes les rues de la ville, qui pulse comme un cœur aux artères solides.

Je me plie immédiatement aux coutumes alimentaires locales et engloutis un phở alors que je ne serais même pas encore debout en France. Les intérieurs des restaurants sont ici vides, les vietnamiens assiègent les minuscules chaises et tables en plastique coloré disposées à l’extérieur. Je traverse de nombreux parcs, précieux espaces oxygénés dans lesquels on y pratique la médiation, la danse, l’aérobic, le tai chi… Ainsi que ce curieux jeu de plume nommé đá cầu dans lequel les participants se passent un volant en usant de leurs jambes et leurs pieds. Chaleureusement invité, je m’y essaye mais peine à me faire une place acceptable… Je remporte tout de même de sincères sourires de compassion de la part de mes adversaires, sans doute mieux qu’une victoire.

Can Gio et Delta du Mékong

Les routes s’élargissent, les casques des motards se trouvent remplacés par des chapeaux coniques et la verdure émerge un peu partout. Je prends la route pour la réserve naturelle de Can Gio à 40 kilomètres au sud de Saigon, comprenant mangrove et animaux à la pelle. Mon objectif ne sait plus que pointer : papillons, chauves-souris, alligators, singes chapardeurs… Et pour cause, je me trouve sur un site de 75 000 hectares classé par l’UNESCO. Mon guide et moi parcourons les eaux douces et salées de la biosphère parmi les palétuviers, les yeux grands ouverts sur cette biodiversité affirmée. J’ai pourtant conscience que beaucoup de choses se trament également sous l’embarcation, au sein de ce qui est la plus grande réserve de mollusques au monde. Les petits singes se chamaillent, se cajolent et vivent leur vie sans prêter attention à la curiosité exacerbée des visiteurs.

Les bateaux prennent vie et s’ornent de paire d’yeux sur la proue, promenant leur chargement de canne à sucre le long du Delta du Mékong. Encore aujourd’hui, au Vietnam le bateau est un objet spirituel qui possède une âme, et ces yeux sont là pour la cristalliser. Je mouille l’encre de nombreuses fois, l’occasion de découvertes toujours plus surprenantes : conception de briques rouges, fabrique de papier de riz pour futurs mets traditionnels, dégustation de liqueur de riz… Un laboratoire naturel dans lequel je porte fièrement mon chapeau conique, bien protégé des rayons ardents du soleil. Je glisse à présent à bord d’une pirogue sur le labyrinthe opaque de Bến Tre, encerclé de palmiers d’eau qui forment une arcade bienveillante. Ajoutez à cela la rame qui caresse l’eau, le rythme serein de la barque, les gerbes de lumières filtrées par la végétation ; mélangez le tout… Votre cocktail vietnamien est prêt à être dégusté.

 

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