[ENVOYÉ SPÉCIAL] L’île du « réel merveilleux »

Air Caraïbes me gâte et m’offre une place à l’avant de son Airbus A330-300 fraîchement relifté. La matinée brumeuse efface immédiatement la maquette au sol dès la première centaine de mètres de hauteur atteinte, précédant cet éternel ciel bleu éblouissant troposphérique. Un steward et les deux pilotes qui m’emmènent à Cuba me font faire une brève visite du cockpit, et même si je n’aurai pas le droit d’en prendre la moindre photo, j’accueille cela comme un beau cadeau pour ce dernier voyage. Car l’île de Cuba sera le quinzième et ultime voyage de mon tour du monde avec MARCO VASCO…

Vallée de Viñales

Je rejoins la petite ville de Viñales, un jeu de Lego à échelle humaine faite de casas et villas de couleurs vives alignées le long des rues. Dans ma casa particular – comprendre « chambre chez l’habitant » -, j’ai rapidement l’impression d’être en famille, entre accueil souriant, chambre confortable et petit-déjeuner de Roi. Le cadet part à l’école le matin et pense à me souhaiter un « good morning ! » au passage pendant que j’avale mon jus de tamarin d’un seul trait. Il est 8h et il y a du bonheur si tôt le matin, on chantonne dans la maisonnée sur les rythmes latinos redondants filtrant à travers les murs voisins. Classée au patrimoine mondial de l’Unesco, je m’aventure à cheval dans la Vallée éponyme : des étendues vertes, des reliefs karstiques, un vent léger, un ciel chargé de chaleur et une poignée de chevaux au loin dans la plaine constituent le tableau. Le terme « amigo » dans toutes les bouches, je me sens déjà le bienvenu. Premier arrêt symbolique dans une ferme au milieu des champs de tabac, où l’on me montre les rudiments du roulage de cigare, avec dégustation par la même occasion. Non-fumeur, je me laisse tenter malgré tout : la fumée du cigare ne s’avale pas, elle se conserve quelques secondes en bouche puis s’expire, délivrant toute sa saveur. Sur mon cheval nommé Tronco, je parcoure les plantations d’arabica et de maïs, les champs tantôt rouges, tantôt verts, et d’imposants cercles de culture à la géométrie exemplaire. Les petits hommes verts n’auraient pas fait mieux.

La Havane

Dans la famille Cuba, je voudrais 2 millions d’habitants, des ruelles aux airs de labyrinthe, une poignée de vieilles voitures américaines et un soupçon de folie : bienvenue à La Havane. 700 km² de terrain de jeu photographique s’offrent à moi, et alors que les bâtiments coloniaux délabrés me rendent très confus par la beauté qui en émane, je décide dans le doute de tout capturer. Confortablement installé à l’arrière de cette Mercury rouge, je récolte les plus beaux clichés de maisons et ambassades Art Déco en marbre et granit, immenses allégories du temps passé se dirigeant vers une lente renaissance. L’enchevêtrement des bâtisses et de couleurs repoussent les limites de la complexité urbaine. Tout le monde se parle, les filles se retournent sur les garçons avec le cadeau d’un sourire, et ces derniers tombent instantanément amoureux de ces premières. Accoudés à leur balcon, regardant la vie défiler sous leurs yeux, les inconnus vous souhaitent une belle journée, quand bien même une pluie fine tombe paresseusement sur les parapluies – nous y reviendrons. En attendant, je croise Buick, Chrysler, Chevrolet et Plymouth réinvesties en taxis qui inversent les règles du jeu et ne cessent de me héler. Des portraits soignés du Che ornent certains murs au gré des plazas, dans lesquelles certains s’attroupent par dizaines dans l’espoir de capter un faible réseau wifi. Cuba est un pays sans connexion internet permanente, où je réapprends à lever le nez. Et pour cause on me dit qu’ici, il n’y a pas besoin de wifi pour que les gens se connectent entre eux ; les mojitos suffisent amplement.

Il pleure dans mon cœur comme il pleut sur Cuba

Alors que je dois me rendre à Trinidad pour mon ultime étape, une tempête subtropicale nommée Alberto prend forme dans le Golfe du Mexique et remonte le long des Caraïbes, lançant par la même occasion la saison des cyclones sur l’Atlantique. Sur la route vers la province de Sancti Spíritus, j’observe les millimètres de pluie s’accumuler inondant déjà cultures et chaussée, m’obligeant finalement à revoir ma feuille de route. Mes yeux seront privés de ce musée à ciel ouvert plébiscité par les guides. De retour en ville, il me faut trouver une occupation : savourer des daïquiris n’étant pas une option, j’opte pour un cours de salsa particulier improvisé. Je fais la rencontre de Gina, ex-mathématicienne reconvertie, qui m’apprend les bases avec beaucoup de patience. L’homme crispé que je suis ne se laisse pas faire de prime abord, puis se détend au rythme des répétitions et des airs entraînants. Les  encouragements de ma préceptrice me donnent l’illusion de me débrouiller correctement, et je quitte les lieux en passant entre les lourdes gouttes de pluie qui s’écrasent sur les rues pavées. Pour rester dans la thématique, je me rends le soir dans une Casa de la Música, lieu de prédilection pour les mélomanes de tous horizons. Sous les airs des cordes et cuivres, les chicos vainquent leur timidité et invitent les chicas sous la lumière violette des projecteurs, enchainant rapidement et dans un naturel ravageur les pas de salsa qu’il m’a pris tant de temps à assimiler. En spectateur, mes pensées s’égarent entre les 15 voyages que j’ai accompli ces 12 derniers mois. Et alors que l’ambiance cubaine grimpe doucement, des écrits d’Hemingway font écho aux souvenirs dans mon esprit :« Le monde est un endroit magnifique pour lequel il vaut la peine de se battre. »

 

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